Anatomie de la mélancolie
Série de photographies numériques (Février 2016-…)

J’avais 15 ans lorsque j’ai réalisé mes premiers autoportraits.
Il n’y avait plus de mots pour dire ce que je ressentais. Il y avait les images.
Un exutoire, une exploration de toutes ces émotions, de ces souvenirs confus. J’essayais d’y voir clair.
Les photographies avaient quelque chose de plus vrai, de plus concret que toutes ces bribes de pensées.
Avec la naissance de ces images, la douleur commençait enfin à exister.
Ce n’était plus cette masse indistincte de scènes mal digérées, à demi effacées par la pudeur d’un voile : l’oubli.
Je ne pouvais plus douter.

Peu à peu, j’ai laissé la place à d’autres personnes devant l’objectif.
Dans ces portraits-miroirs, les autoportraits perduraient.
Des hommes, des femmes, des gens comme vous et moi.
Avec leurs lots d’accidents, de sorties de la route, de déviations…
Nos errances se croisaient quelque part. C’est depuis ce lieu éloigné de tout que ma voix porte.
Mes photos se situent là où nos douleurs se rejoignent.

Nos chemins se rencontrent, des paroles s’échangent.
Les mots font émerger à la surface des visages tout ce qui est enfoui, tout ce qui se cache au creux des poitrines.
Les corps se dépouillent de leurs apparences, de leurs rôles quotidiens. Mes photographies étreignent les souffrances, embrassent les espoirs déçus. Mes blessures font corps avec les peines qui s’expriment. 

J’essaie d’effleurer du doigt ce que peut être la tristesse.
J’essaie de comprendre ce qui nous traverse.

Mes yeux tentent de percer le visible pour y discerner ce qui se cache dans ses plis :
les deuils, les ruptures, les déceptions tues, les espoirs inavoués.
Je reconstitue une anatomie de la mélancolie.

( Texte écrit en collaboration avec Anne Rivière )